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Ce fut en ce temps que je rencontrai Marc, pour la première fois. J’étais de passage à Paris, dans un petit hôtel près de la Sorbonne. Il y avait trois ou quatre ans que je n’habitais plus en France. Marc avait trouvé chez sa mère mon livre récent sur Gandhi. Il en était préoccupé. Une lueur s’ouvrait au bout de la route, dans la nuit de la forêt. Il se demandait si cette route pouvait être la sienne. Il hésitait, à la croisée des chemins. — Il vint me voir, un matin, dans le petit salon de l’hôtel, où l’on passait à tout instant. Il ne pouvait se décider à parler. Je regardai ce jeune loup maigre et anxieux, ses mains nerveuses, ses yeux farouches, ses beaux yeux clairs qui semblaient sombres. Je le compris. Je l’emmenai dans ma chambre, pas encore faite : le lit ouvert, tout en désordre. Il n’était pas question de s’excuser. Les beaux yeux sombres s’étaient éclairés. À la méfiance qui l’armait succéda sans transition une naïve reconnaissance. Et tout de suite, il se mit à parler.

Ce n’était pas la première fois qu’on me consultait sur l’itinéraire de la vie : j’étais une sorte d’Agence des voyages ; et j’avais dirigé plus d’un jeune homme ou d’une femme, ou vers l’Asie, ou vers Moscou : car plus d’un porte dans ses prunelles le reflet d’une des étoiles