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Il dit, à la fin, atterré :

— « Alors, tout ce que nous faisons, tout ce qu’on peut faire, cela ne sert à rien ! Il n’y a plus qu’à se faire sauter le caisson… Si l’on pouvait avant, avec, les faire sauter !… »

Jean-Casimir, content de l’effet produit, tendit, bon prince, la perche à l’homme qui se noie :

— « Qui sait ? qui sait ? Cela viendra peut-être, plus tôt qu’on ne pense… Il ne faut pas désespérer de l’imbécillité des plus forts… Naturellement, s’il fallait compter sur vous, sur toi, sur les amants platoniques de la belle Europe, elle serait dans le lac, la belle Europe, ou dans l’Euxin : le taureau l’emporte… Mais, grâce à Dieu, il y a le taureau, cet idiot ! (As-tu jamais vu une corrida ?)… Et, les grâces de Dieu sont infinies), au lieu d’un seul taureau, il y en a deux, il y en a trois, il y en a une demi-douzaine : il y a le taureau blanc, il y a le taureau noir, il y a le taureau rouge, il y a l’Union Jack, la Croix-Gammée, la Bannière Étoilée, et il y a (saluons !) le Bleu-Blanc-Rouge du cygne tricolore de Saint-Point, M. Alphonse de Lamartine, qui flotte sur la cave aux milliards de notre Banque (je dis « la nôtre », tu m’entends !…) et sur l’Empire de notre République, où le soleil ne se couche jamais… Tous ces taureaux luttent et se cognent, front baissé. Ne voit-on pas, dans notre enclos, jouter des cornes ces deux gros buffles : le capital financier et le capital industriel ! Chacun, soutenu par d’autres bêtes d’au delà de l’enceinte : Londres ou New-York. Et tous veulent prendre tout ce qui est à prendre ; mais chacun le veut, par ses moyens et à son profit privilégié. Les politiques des voleurs, des valeurs, se heurtent en Bourse et sur les tapis verts des États, — voire, quand on peut, sur les tapis rouges des champs de batailles. Ainsi, le jeu reste nul, et les peuples qui en