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trou, comment jamais l’aurait-il su ? Il avait encore sur l’antagonisme des forces de paix et des forces de guerre des idées simplistes. Jean-Casimir les lui éclaircit, à un de ses passages à Paris. Il avait gardé à Marc sa bizarre fidélité intermittente de petite putain qui revient, une fois l’an, par dévotion superstitieuse, par élan de tendre souvenir, assaisonné de moquerie, à son premier amant. Il y avait bien aussi, dans le retour d’aujourd’hui, une curiosité qu’il se gardait de laisser voir. Il était naturellement informé de l’infortune conjugale de Marc ; il avait été des premiers à la prévoir et à la guetter ; il n’était pas fâché d’en relever les impressions sur le visage du compagnon : c’était aussi un spectacle. Marc connaissait assez son Sainte-Luce, pour baisser le rideau devant la pièce ; et il offrait un masque d’impassibilité. Mais il n’y gagna rien. Sainte-Luce savait lorgner par les trous du rideau et il se dit : — « Le Marcassin est touché ! » L’intérêt agité que manifestait Marc aux choses de la politique lui parut — (ce qu’il était) — une diversion aux tourments, dont au reste il ne soupçonnait pas la profondeur : car, au delà de la femme, ils se brûlaient au feu de l’âme insatisfaite, qui s’acharne à résoudre l’énigme de sa destinée. Jean-Casirnir aurait pu, s’il eût voulu, donner à Marc des nouvelles de l’absente : car il en avait de toutes récentes, par le canal de l’ambassade de Stockholm, dont les agents avaient enrichi de notes burlesques le dossier secret de Assia. Par rosserie de fille taquine, malicieuse, pas méchante, mais qui se venge de ce qu’on lui cache, il glissa un mot d’une rencontre qu’un ami avait eu le plaisir de faire dernièrement : « Mme Marc Rivière en voyage ». Marc ne sourcilla pas, il attendit. Jean-Casimir regarda les ongles de Marc qui grattaient la couverture d’un cahier ; il attendit aussi, sourit, — et il revint à la politique.