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qui prétendent rester au repos à l’abri des coups, dans leur pensée capitonnée, sont des petits bourgeois pusillanimes et égoïstes. Les belles raisons intellectuelles dont ils couvrent leur couardise, la rendent plus méprisable encore. Il n’est de vrai individualisme que celui qui est toujours prêt à risquer, celui qui paie, celui qui perd, s’il le faut, dans la bataille… Pourquoi pas ? Je ne suis qu’un pion sur l’échiquier. D’autres se battront après moi. Notre consigne, c’est de ne jamais céder, — jusqu’au dernier ! »

Pour se prouver, contre l’insultant reproche de Assia, qui continuait de le poursuivre, — que son individualisme était capable d’agir, qu’il n’était pas marqué de stérilité, il chercha des groupes où s’associer. Parmi les causes, dont les bannières flottaient au vent, — (des bannières il se serait bien passé ! il se méfiait des drapeaux ; mais les hommes ont besoin d’oripeaux), — il y en avait trois qui devaient d’emblée solliciter l’activité de Marc : la cause de l’Indépendance de l’Esprit, — celle de la Paix, — et celle de l’Europe. Elles avaient eu pour elles d’être traquées et persécutées pendant la guerre. Comme la République de Forain, elles avaient été « belles sous l’Empire ». Mais que restait-il de leur fleur ? Marc, soupçonneux, mais curieux, y alla voir. Il les trouva bien mal entourées. Les belles personnes, naguère délaissées, avaient maintenant nombreuse compagnie. Marc s’imposa de vaincre les répugnances que lui causait l’approche des prétendants de Pénélope, — jeunes et vieux aventuriers qui s’étaient installés dans l’alcôve de la dame, sinon dans le lit, qui les attirait moins que sa table. Au premier rang, de vieux professionnels de la politique, dont la souplesse invertébrée réussissait à se glisser toujours dans les partis d’action idéaliste et les imprégnait aussitôt de leur odeur de marée suspecte.