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que le fait d’un instant de surprise, auprès de cette longue, de cette tenace et réfléchie trahison de l’esprit muet, qui serre les dents ? Le fait y avait beaucoup moins mis le sceau qu’il ne l’avait brisé. Oui, même, il avait déchargé Assia de cette trahison intérieure. Par un paradoxe de la nature, c’était à la minute — cette minute sans hier et sans lendemain — où Assia s’abandonnait à l’étreinte étrangère, qu’elle se libérait de sa hantise traîtresse et qu’elle avait retrouvé son grand amour profond, fidèle, unique, pour Marc. Mais personne autre qu’elle n’eût pu le comprendre, et même Assia en avait fui la pensée. Elle avait mobilisé toutes ses forces de révolte dures et mauvaises, pour y parer. Mais aujourd’hui, la pensée était entrée, par la trouée. Assia la garda pour soi. Il n’était pas question d’en faire part à quiconque, pour essayer de rien changer. Ce qui était fait était fait. Assia avait l’orgueil d’endosser le sot billet qu’elle avait signé, les conséquences de ses erreurs. — Mais bien qu’elle ne modifiât rien, pour elle-même, à son appréciation de l’acte qui avait provoqué la rupture, l’amour, qu’elle ne contraignait plus, l’amour pour Marc, fit ce miracle qu’il lui apprit à considérer ses propres actes, du cœur de Marc, non pas du sien. Et elle épousa le ressentiment contre elle et la souffrance de Marc, qui la condamnaient, — bien que, seule en présence de soi, elle pensât :

— « C’était mon droit. » (Elle s’entêtait.) « Et ça compte si peu ! Passons l’éponge ! »

Mais ce n’était plus son droit de la passer. Cela regardait l’autre :

— « Pauvre petit !… Mon grand gosse !… Il me hait. Je le connais. Il ne pardonnera jamais… Tant pis pour moi ! Tant pis pour lui !… »

Cette conscience une fois acquise, elle acceptait, avec un fatalisme d’Asiatique, la faillite. Juste était