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— « Je le ferai », dit Assia. « Mais vous n’êtes pas beaucoup plus sûre que moi du lendemain. »

— « Eh bien, à charge de retour ! »

— « Tope ! »

Assia n’était point dupe du marché, elle en sentait la générosité. Elle dévorait Annette, de ses yeux ardents :

— « Ah ! quel dommage que ce ne soit pas vous que j’aie épousée ! »

— « Merci ! » fit Annette. « J’aime mieux pas. »

Elle se dirigeait vers la porte. Assia grondait.

— Si l’on pouvait ne jamais avoir à faire à tous ces hommes ! »

— « Oui, » dit Annette, calme et narquoise, « mais ça ne sera pas encore pour demain ! Et en tout cas, ça ne sera pas pour toi. »

— « Pourquoi ? » fit Assia, qui se rebiffa. « Je n’en veux plus. Que le diable leur brûle, comme aux renards de la Bible… ! Et qu’avec, si j’y reviens, brûle ma vigne ! »

— « Qui a bu, boira », dit Annette.

— « En tout cas, » dit Assia, dont la haine reflamba, « pas de votre vin ! Je crache le Marc. »

Et elle cracha.

Annette haussa les épaules, et s’en alla. Dans l’escalier, Assia la rattrapa impétueusement, faillit la faire tomber, la rembrassa, lui souffla :

— « Pardon ! pardon ! »

Annette, sortant de la maison, se disait, avec pitié et ironie :

— « Pour se haïr ainsi, il n’est que ceux qui s’aiment. »

Et levant les yeux vers le Trop-Haut, vers le trop loin, le sourd et muet, elle pria :

— « Libera nos ab Amore ! »