Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 6.djvu/102

Cette page n’a pas encore été corrigée

taille, « en premier lieu, je laisse Marc ; ce n’est pas Marc qui me laisse. En second lieu, c’était moi seule qui subvenais, depuis trois mois, aux besoins de la maison. Il n’était même pas capable de gagner son pain. Pensez-vous que maintenant j’irais ramasser ses miettes ? »

Annette sentit qu’elle n’obtiendrait rien de l’orgueilleuse, si elle ne prenait un chemin détourné. Elle dit :

— « N’en parlons plus ! Mais est-il juste que tu me fasses payer le mal que t’a pu faire Marc ? »

Que Annette, au lieu de l’accuser, pût, ainsi que la rancune de Assia le voulait, retourner les charges de la présomption contre Marc, toucha Assia, lui fut un baume ; elle eut un fougueux élan de gratitude. Elle prit Armette aux épaules.

— « Qui a dit cela ? Pas question de cela ! »

— « Eh bien, alors, est-ce une raison, si tu le quittes, pour que tu me quittes ? »

Assia lui broya les bras :

— Je ne vous quitte pas. Je ne le veux pas. Je ne le peux pas. »

— « Ni moi non plus. Ni je ne le peux, ni je ne le veux. »

— « C’est vrai ? »

Assia l’embrassait avec emportement.

— « Alors, » dit Annette, « qu’il soit entendu que mon logis est terrain neutre ! Tu y viendras, quand tu voudras. Et — (je comprends ta fierté, mais tu n’as pas à faire la fière avec moi ; et même si cela te coûtait, tu me dois au moins ce sacrifice), — quand il arrivera (à chacun de nous, il peut arriver, en ces temps) que tu aies besoin d’un peu de beurre sur ton pain, — ou de pain sans beurre, — viens le manger chez moi, tout simplement. »