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renoncé à raconter la fin de l’histoire : l’histoire n’intéressait pas Annette, Assia se rendait compte que là-dessus Annette en savait autant qu’elle. Mais elle revenait avec obstination sur la question de ses droits, dans l’union libre et loyale. Elle aurait pu mentir et se taire. Elle ne mentait pas, elle ne s’était pas tue. Et pourquoi donc se serait-elle tue ? Elle avait agi selon son droit.

— « Le droit strict », dit Annette, « est ici, comme souvent, la suprême injustice. Car il est le péché contre l’amour. Et l’amour vrai est la suprême loi. »

— « Alors, pourquoi serait-ce lui », se rebiffa Assia, « lui, votre fils, qui serait le privilégié, en excipant contre moi et contre mon droit, contre mon désir, de son droit strict ? »

— « Parce qu’il est le plus faible », dit Annette.

— « Le plus faible ! » s’exclama l’autre.

— « Tout homme l’est », dit Annette.

— « Le pensez-vous ? » demanda Assia, étonnée.

— « Tu le penses aussi. »

Assia se tut, elle réfléchit, elle dit :

— « Oui. »

Elle était surprise d’en convenir. Elle essayait de s’en défendre. Elle reprit :

— « Mais est-ce une raison, pour que ce soit le droit du faible qui l’emporte ? »

— « Oui, pour mon cœur. Et pour le tien. C’est ainsi. Nous sommes la mère. Il nous faut avoir pitié de notre enfant. »

Le cœur de Assia tressaillit. Elle ne dit rien de plus, pour aujourd’hui. Annette se leva.

— « J’étais venue pour parler de l’autre enfant. »

— « Quel ? » demanda Assia. En ce moment, elle ne pensait plus qu’au grand.

— « Vania », dit Annette, d’un ton de reproche.