Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 5.djvu/88

Cette page n’a pas encore été corrigée

garde de se commettre avec l’action, — ou ceux qui comptent que le vieux foyer, l’antique toit de la tradition, la séculaire vie domestique et rurale, qui a su abriter leurs pères, pourra continuer à les défendre contre les assauts de la tempête. Comme si les tempêtes à venir laisseront un seul gros mur debout ! Malheur aux joueurs de flûte, qui se retirent de l’arène avant que la bataille ait décidé ! Quelle que soit l’issue de la bataille, le vainqueur les foulera aux pieds. Et leurs chants iront en poussière… Mais peut-être qu’en secret ils supputent que le Déluge attendra qu’ils aient fini leurs jeux sur le sable, pour venir les balayer ?. Il leur suffit de jouir du quart de jour qu’il leur reste. Ils trompent leur vie.

Qu’ils aient au moins le franc cynisme de le dire ! — « Demain, je serai mort. Demain, je n’aurai plus de bouche. Je n’ai qu’aujourd’hui. Je mange. » — Mais ils s’évertuent à se trouver ou l’une ou l’autre (n’importe laquelle !) justification idéologique… Pourquoi ce leurre ? — Parce que les intellectuels qui abdiquent ont besoin de se cacher l’abdication par des raisons. À moins que par des raisons ils ne se la prônent. Ils ne peuvent rien faire sans raisons. Leur instinct a désappris de marcher seul. Lâches ou braves, il leur faut toujours un « pourquoi. » Et quand on en veut, on en trouve toujours. Les fuyards de 1919 n’ont jamais manqué de motifs sages et profonds pour foutre le camp !…

Marc méprise ceux qui fuient. Il les méprise avec une violence qui est une défense contre sa propre tentation de fuir. Et comme, d’avance, il tremble de n’y pouvoir résister, il se ménage un semblant d’excuse, en réservant son implacabilité contre les fuyards qui mentent, contre ceux qui s’efforcent de dorer leur fuite. La loi de vérité du clan des Sept : « Sois ce que tu veux ! Fais ce que tu veux ! Si tu veux, fuis ! Mais dis : — « Je fuis ! »