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par nécessite, la voie sans joie de l’Université : Bouchard, avec colère, avec rancune, rongeant son frein hennissant comme un percheron en rut ; — Ruche, froide ironique et décidée, ne livrant rien de ses pensées, de ses steppes d’ennui… « Marche et tais-toi ! Si tu t’arrêtes, tu ne repars plus… Mais quel est le but ? Je n’en sais rien. Y en a-t-il un ? Peut-être qu’en marchant, on le trouvera… Si on ne le trouve on s’en passera !… »

Marc, hésitant, les accompagnait, un bout de chemin ; mais il était bien résolu à les lâcher, au premier tournant. Sa mère, tout en le laissant libre l’avait engagé quoi qu’il décidât par la suite, à profiter de son entraînement pour prendre le grade de licence : c’était une pauvre carte dans son jeu ; mais il est prudent de ne rejeter aucune carte, quand on en a si peu. Elle voyait aussi dans ce but assigné, sans trop y croire, une contrainte salutaire de quelques mois pendant lesquels l’esprit indiscipliné apprendrait a faire seul ses premiers pas. Marc préparait donc l’examen, mais sans la foi, non seulement qu’il le passerait mais qu’il persévérât jusqu’au bout. Son attention était trop distraite par une multitude d’objets. Le moyen de s’enfermer dans un réduit de connaissances poussiéreuses, où ne filtre pas un souffle du présent ! Autour de soi, l’orbis terrarum de l’esprit s’est immensément agrandi. Si on veut l’embrasser, même d’un regard hâtif, pas un instant à perdre : car rien n’est sûr, tout chancelle, on vit sans lendemain ; demain le gouffre de la guerre et des révolutions peut m’engloutir. Et je me condamnerais à l’ascétisme d’un régime scolastique ! Au nom de quelle foi ? Je n’ai qu’une foi : voir et toucher. Après croire ! Ce ne sera pas pour aujourd’hui ! Pour aujourd’hui, voir et voir ! Et palper tout ce que je peux attraper…

Il n’est pas le seul, dans cette jeunesse, que pos-