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Marc se trouva plus gêné qu’allégé par sa liberté. Elle a toujours été le plus coûteux des biens. Elle était ruineuse, en ce temps. Il fallait être bien riche pour pouvoir la porter. Marc savait qu’il ne l’aurait pas gratuitement ; mais il se faisait fort de la conquérir par ses propres moyens. Annette eut quelque peine à lui faire accepter, en partant, une petite avance qui lui permettait d’attendre, en cherchant, trois ou quatre semaines. Elle n’était point dupe de cette jeune forfanterie ; mais il ne lui déplaisait pas qu’il en fît lui-même l’épreuve et que la vie lui donnât sur les doigts : la mare était agitée, son canard serait secoué, mais un canard ne se noie pas dans une mare. Elle n’en doutait point, d’ailleurs : elle n’aurait pas le dos tourné, que Sylvie serait là, sur le bord, appelant : — « Petit, petit !… » Le petit était prévenu. Qu’ils se débrouillent ensemble !

Marc avait la prétention de se passer de quiconque. Il refusa négligemment la première offre de Sylvie. Celle-ci n’insista point : elle n’était, pas moins que Annette, fixée sur la leçon qu’une prompte expérience allait infliger au rodomont. Marc se montra piqué de la narquoise indifférence avec laquelle sa tante accepta son refus. À la réflexion, il y flaira de vagues raisons d’inquiétude, une conspiration contre sa liberté. Et il n’en fut que plus excité à la défendre.