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La nuit d’après, se réveillant, le frémissant adolescent en perçut du moins l’ordre, ainsi. Et il était trop vrai avec lui-même pour ne pas savoir qu’il trahirait. Mais en trahissant, il savait que c’était lui-même qu’il trahirait : l’ordre était sien, non d’une autre. Et envers cette autre, qui avait commandé pour lui, il était pénétré, dans cette dernière nuit qu’ils dormaient ensemble sous le même toit, d’un respect plus passionné que l’amour. Il retint son souffle pour écouter le souffle qui venait de l’autre chambre. Il se sentait chargé de désirs troubles, de pensées lourdes, il eût voulu en partager le tourment avec elle ; mais il la jugeait trop droite, trop saine, pour les comprendre ; et la confiance même qu’elle mettait en lui l’arrêtait dans son désir de se confier : il craignait de lui porter la désillusion.

Annette dormait. Elle le savait bien, que son garçon la trahirait, se trahirait. Qui vit, trahit et se trahit, d’un chant du coq à l’autre chant. Mais il suffit qu’on soit capable d’entendre toujours le chant du coq, et qu’on se dise, à chaque aube : — « Je suis battu. Je recommencerai… » — Elle savait que son garçon ne jetterait jamais les armes. Elle n’en demandait pas plus. Elle dormait.