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frir et risqueraient de se détruire. — Et cependant, il n’était pas bon que Marc restât seul. Cette solitude dans une âpre lutte contre un milieu empoisonné était, en se prolongeant, contre nature, et ses jeunes forces ravagées n’y suffisaient plus. Il lui eût fallu une aide, une compagne déjà virilisée par le corps-à-corps avec la vie, une sœur aînée, un peu mère, un peu frère, qui sache panser ses blessures et, au besoin, se battre à ses côtés. Assia pouvait-elle l’être ? — Elle le pouvait. Mais saurait-elle l’être ? Il y avait des raisons d’en douter. Et quelles raisons d’attendre d’une jeune femme un désintéressement dans l’amour, que l’homme n’a pas, et sur lequel la passion donne le change ? (Car elle est l’opposé du désintéressement ; elle dispose de l’autre, comme de soi). L’âge seul et la longue épreuve blessée peuvent l’apprendre à ceux qui sont susceptibles d’apprendre. Eh bien donc, pourquoi ceux-ci ne l’apprendraient-ils pas ? Annette faisait confiance à son fils. Et à cette autre ? Pourquoi pas ? Sur sa confiance Assia avait conquis des droits. Même (et surtout) en lui confiant ce qui, de sa nature, pouvait le plus l’éloigner d’elle. Au moins, les risques étaient francs, ils étaient nus, ils n’étaient pas habillés de petites vertus, comme chez tant de femmes et de filles, dont on ne sait pas ce qui se cache sous l’eau plate. Et les risques étaient payés par d’autres vertus plus robustes, et, comme eux, franches, comme eux, nues. Risques pour risques, si elle eût été Marc, Annette savait bien ce qu’elle eût choisi. Elle pouvait donc donc s’attendre au choix qu’il ferait. Et en le lui reprochant, elle eût été de mauvaise foi. Si la mère eût voulu épargner au fils les tourments qu’elle prévoyait, elle ne pouvait lui épargner l’âme tourmentée et les destins qu’elle lui avait faits… Allez, mes petits, votre destin ! C’est peine perdue de lui barrer la route ; il est plus sage et plus efficace de lui tendre la main, de faire appel à ses puissances les plus nobles, d’y prêter