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Elle regarda Assia, que la pluie avait transpercée. Sa robe avait bu l’eau, comme une éponge. Les seins saillissaient sous l’étoffe, plaquée au corps. Elle semblait dans un peignoir, au sortir d’une plongée. Toute couleur s’était retirée de ses joues. Elle serrait les dents, blême, glacée. Annette se leva :

— « Allons, rentrons ! Nous reparlerons de ceci, chez moi. »

Elle lui jeta de force son imperméable sur les épaules, et l’emmena. Assia essayait de résister ; mais après sa grosse dépense d’énergie, elle était épuisée.

Il n’eût pas fallu voir dans sa volonté de briser avec Marc un désintéressement par amour, pour sauver d’elle Marc. L’amour d’une Assia, si brûlant qu’il fût ne pouvait être désintéressé. Elle pensait bien (elle ne mentait pas !) à le sauver. Et elle était stupéfiée de ce renoncement : c’était une traîtrise de l’amour !… Mais elle pensait avant tout à se sauver, elle ! Il lui était inexplicable qu’elle se fût laissée reprendre à la passion, alors qu’elle s’était juré de ne plus rentrer dans la roue, qui l’avait broyée. Il lui restait de ses rencontres passées avec la passion une peur et une horreur jusqu’à la haine de cette servitude. Mais eussent-elles été aussi violentes, s’il ne lui en fût resté aussi le vertige ? Elle était tentée d’y retomber. Elle sentait le danger du gouffre et son invincible attrait Marc était le gouffre. Il l’avait prise, tout entière : tout son corps, que brûlait la torche, — tout son cœur, qui se consumait pour le cher garçon, par la tendresse, par la pitié qu’il lui inspirait, par une secrète maternité, par un mélange de supériorité qui domine et d’infériorité qui fait appel à la protection. Et déjà, elle n’était plus capable de se délier de lui, toute seule, après cette nuit. Elle l’était juste assez encore pour recourir à Annette, afin de la délier. Mais cet effort l’avait brisée. Annette, lui emboîtant le bras, la reconduisait à l’hôtel. En route, Assia eut