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parti, ou à un homme. Ce dur orgueil, ce diamant pur et cette fureur d’indépendance, qui l’avait sauvée, Annette les discerna sur-le-champ, d’un œil exercé parmi le chaos de cette âme de femme qu’un cataclysme avait saccagée ; et elle sut voir, dans les alluvions, les filons de force morale et spirituelle que recouvraient les ruines d’un monde. Elle les vit, mieux que Assia, qui, dans le prurit de sa confession emportée, s’acharnait contre elle-même. Et Assia parlait, parlait, et l’autre écoutait, écoutait, songeait Depuis… depuis combien ?… Était-ce une heure ou davantage ?… Dans l’entre-deux d’une phrasé à l’autre, tomba, comme une pincée de grains de plomb sur le plateau creux d’une balance, la sonnerie d’horloge du petit-lycée… Assia s’arrêta, perdit l’élan se passa la main sur le front mouillé… Sortie du gouffre elle ne sut plus ce qu’elle y faisait, pourquoi elle avait raconté tout cela. Elle dit rudement :

— « Qu’est-ce que vous faites là, à m’écouter "> »

Annette n’eut pas à faire la réponse. La mémoire ressurgissait. Assia disait:

— « Depuis deux ans, je n’avais plus jamais remis les pieds là dedans… Qu’est-ce qui m’a prise, ce matin ? Qu est-ce que j’ai fait ?… »

Elle respira ; machinalement, elle tordit sa chevelure gonflée de pluie, sans s’inquiéter que les rigoles lui coulassent au long du dos. Et elle dit :

— « Ah !… Voici !… Vous savez maintenant qui je suis. Reprenez votre fils et emmenez-le ! »

— « C’est entendu, dit Annette. Nous lui cherchons un logement. »

— « Mais sur-le-champ ! Qu’il ne me revoie, et que je ne le revoie ! »

— « Quel danger ? »

— « Je l’aime. »

— « Et lui, vous aime ? »

Assia haussa l’épaule :