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rai, rue de Châtillon, si vous voulez, un logement vacant qu’une de mes connaissances a dû quitter, ces jours-ci. »

— « Nous verrons demain », dit Annette.

Elle tendit la main à Assia, qui se retira dans sa chambre et s’enferma ; elle jeta un regard apitoyé et ironique à son fils et lui dit bonsoir, en n’ayant garde de remarquer sa méchante humeur. Elle s’en retourna dans sa chambre, qu’elle avait louée, dans le même hôtel, à deux étages au-dessous.

Marc resta seul. Il eut le temps de cuver son dépit. Il eut même celui de perdre toute fierté, pour ne garder que le chagrin. Mais le désir était resté. Il se muait en une soif enragée. La source était là, tout près. Un seul mur l’en séparait. Un mur de plâtras, un mur d’obscurs malentendus. Mais demain, ce serait toute une ville. Il ne se donna pas le temps de réfléchir. Sa main frappa au mur. À peine l’avait-elle fait, qu’il le regrettait. Il eût voulu crier : — « Ne venez pas ! » — Il n’eut pas la peine de le dire. Elle ne vint pas. Rien ne bougea, de l’autre côté du mur. Marc, indigné, penaud, se mordait les poings… Il attendit… La nuit vint. La nuit était venue. Par-dessus les toits, la grêle horloge de la Sorbonne sonnait onze heures, sonna minuit, sonna une heure. Marc se rongeait, la face au mur, le corps ramassé fiévreusement dans ses draps, les genoux remontés comme un chien qui s’est mis en rond… Que voulait-il ? L’étreinte brutale ? — Non. Il n’eût pas su dire quoi… Cette femme, ce qu’elle porte dans son sein, ce qu’elle cache, ce qu’il flaire de cette vie, de cet esprit, le mal, le bien. Il veut tout. Il a besoin de ce ruisseau, pour le mêler au sien. Que roule-t-il dans ses eaux ? Il ne sait pas. Il lui faut ces eaux. Il lui faut tout… Et pour l’avoir, il faudra bien l’étreinte brutale. C’est le seul chemin. Mais tout son sang se révolterait, si vous disiez à ce garçon que c’est là ce qu’il veut. Il crierait : — « Non ! » —