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Tu le sais bien. Aurais-je tenu jusqu’à aujourd’hui, sans toi ? »

Il vit que la pensée de la femme n’était plus là. Il dit :

— « Allons, merci ! Tu as fait plus que je ne pouvais l’attendre de toi. Et ne te souviens pas de tout ce qui, en moi, t’a sali les yeux ! »

— « Je me souviens de notre amitié. Elle a toujours eu les mains propres. »

— « Eh bien, mets la tienne dedans ! »

Elle les serra. — L’avion faisait ronfler son moteur. Elle regarda l’homme à la face d’athlète, comme martelée par les coups de poing, marquée des doigts brutaux des passions (quelques-unes nobles, et d’autres viles, pas une ne manquait à l’appel), le front de taureau et les lourds yeux, dont le regard épais s’imbibait de son image, afin qu’elle restât bue par leur éponge. Elle approcha son visage. Et elle dit :

— « Embrassons-nous !… »

La porte de la chambre était ouverte. Assia ne s’inquiétait point qu’on entrât. Il n’y avait rien à voler chez elle. Et elle comptait les voisins pour rien. Mais quand elle vit la mère qui était entrée (au premier regard, elle la reconnut), elle s’étonna ; elle ne s’attendait pas si tôt à la venue. Il n’y eut aucune parole échangée. Annette alla droit au but et, sans prendre le temps d’enlever son manteau, elle se jeta sur son petit. Mais comme une mère le sait faire : les bras emportés et les mains douces, comme une brise qui caresse les tiges brûlées d’un pré. De leur contact les membres fiévreux parurent éprouver un soulagement. Les lèvres du malade remuèrent. Il soupira. Annette reposa, avec précaution, la tête brûlante qu’elle avait soulevée, sur l’oreiller. Et se retournant, pour défaire ses vêtements, elle vit l’autre femme qui était restée, bien