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leur étaient des contingents alliés qu’ils appréciaient. Il était un des leurs.

Et il y avait encore autour d’eux le fretin : quelques braves garçons, désireux de penser, qui ne pensaient pas par eux-mêmes, et qui les écoutaient, tâchant de glisser leur mot. Mais les Cinq condescendaient rarement à leur répondre : ils se parlaient entre eux. Les autres formaient le cercle. Ils étaient bons à transmettre et propager leurs volontés.

À l’autre bout de la salle était massé un autre groupe aussi nombreux : c’étaient les « Action Française ». Les deux bandes affectaient de s’ignorer ; elles avaient l’une pour l’autre un mépris écrasant, relevé d’une poivrée de haine. Et comme, des deux côtés, ils parlaient très haut, — beaucoup trop haut, malgré les objurgations du bibliothécaire indigné, dont nul ne tenait compte, — à tout moment, les mots provocateurs venaient faire déborder l’eau bouillante sur le feu. C’était bien leur objet. Et au besoin, les agents de transmission ne manquaient pas à leur office, qui était de porter tout chaud le défi de l’un à l’autre camp. Heureusement, la gaieté de la jeunesse n’était pas morte au cœur de ces partisans. Et la drôlerie d’un mot injurieux l’emportait, chez l’ennemi, sur l’animosité. Et puis, à part, étaient campés, avec un souris de supériorité, les indifférents aux affaires publiques, ceux pour qui la guerre, la paix et les traités étaient de la sale politique, dont le mieux à faire était de se garer, pour s’occuper de son commerce, de sa carrière, de ses plaisirs, de sa cuisine de l’esprit : son art, sa science et son métier. C’étaient les ménagères de la maison, qui méprisent les femmes oisives et déréglées. Il y avait dans le nombre de vraies valeurs : un gros barbet aux pattes courtes, le nez en l’air, les yeux myopes, l’air ahuri, un front étroit, la crinière drue, la bouche ouverte, qui semblait prête à crier toujours : « Eurêka ! »… Jocrisse dans la baignoire d’Archimède…