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Il l’enserrait rudement aux chevilles.

— « Écoute, Marc, il faut au moins que tu saches, puisque le sort a voulu que tu te jettes dans ma toile… »

— « Je n’ai besoin de rien savoir… Et quoi savoir ? Une stupide histoire d’amour trompé — si on peut appeler ça, de l’amour »

— « Oui, moi, je l’appelle… Et qu’est-ce que cela me fait, qu’on l’appelle ainsi ou autrement ?… Il m’a voulue, et je l’ai voulu. Il m’a prise, et je l’ai pris. Et il me jette, il en a assez. Il veut une autre, il prend une autre. Je veux le tuer… »

Marc gronda :

— « Ruche, c’est fini, ces bêtises ? Tu ne vas pas recommencer ? »

Ruche avala sa salive, respira fortement deux ou trois fois, puis elle dit :

— « C’est fini. Oui. Le coup est manqué. On ne le refait plus… Mais j’ai besoin de te raconter, pour me soulager, pour me venger… »

— « Ma pauvre fille, tes petites histoires me dégoûtent. Tais-toi !… Et puis, je n’en peux plus de sommeil. Je meurs… »

Ruche rit nerveusement :

— « Tant pis !.. Meurs !.. Et écoute !… Ça m’est égal, que tu aies dégoût. Je l’ai aussi. Je t’en frotterai le nez… » (Elle lui avait empoigné la tête par les oreilles, et lui frottait le nez contre son drap)… « Tu as fait le terre-neuve, tu m’as sortie de l’eau, malgré moi… Tant pis pour toi ! Il faut, pour compléter le sauvetage, que tu absorbes ma poche à fiel. »

— « Allons ! » fit Marc, résigné.

Mais il ne tarda pas à s’assoupir. Ruche, assise dans le lit, penchée sur lui, lui débitait furieusement sa chanson et, pour rappeler l’attention partie, elle lui secouait de temps en temps la tête, où ses doigts fiévreux fourrageaient. Mais le sommeil était le plus