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bien. Tu ne seras plus pris au dépourvu. J’ai fait mon Marc, pour qu’il risque. Mais je l’ai fait, pour qu’il résiste. Risque ! Je risque, et j’ai risqué. Il n’est pas donné à tout le monde de se perdre. »

Et elle ajoutait, avec son libre sourire, grave et malicieux :

— « J’ai essayé, vingt fois. Jamais je ne l’ai pu. Tu ne seras pas plus habile. Résignons-nous, mon petit, et embrasse-moi ! »

Quand il fut à ces lignes, Marc trépigna de joie. Le carreau de sa chambre en trembla. Il souffla de ses lèvres la honte, avec une bouffée de cigarette.

— « Va dans d’autres poumons ! »

Ce jour-là, dans les rues, il aspirait, par bravade, l’air souillé. Il disait :

— a J’ai mon air. J’ai, sous mes pieds, ma terre ferme. J’ai dans mon sang, ma Rivière. »


Mais la rivière ne roulait point l’or. Et la vie fut dure, cet hiver-là. La chance ne favorisait point le courage de Marc ; et sa santé eut à souffrir des privations. Il se refusait à faire appel à sa mère ; et même, il eut l’absurde amour-propre de lui refuser l’offre d’argent qu’elle lui faisait. En premier Heu, il n’était pas sûr qu’elle ne se privât point. Et en second, ce sot petit coq n’admettait pas de recevoir de l’argent d’une femme… Est-ce qu’une mère est une femme ?… Eh bien, pour lui, oui !… Sa lettre de refus claqua sèchement : — « N’insiste pas ! » — Elle n’insista pas… Ces stupides hommes !… Elle était bien aise qu’il en fût un.

Mais s’il ne prenait point l’argent de Annette, il se tenait à sa pensée ; et s’il ne l’avait portée en lui, ce dur hiver, il se fût senti bien seul et transi. Il s’y réchauffait, comme à un feu que nul ne voyait. Même pas elle, à ce qu’il croyait. Mais elle était trop liée à lui