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carambolé, comme une boule de billard, au luxueux appartement de Chevalier, Avenue du Bois, mais sans trouver l’hôte. Finalement, se rabattant sur le Palais, il réussit à l’attraper, en conciliabule d’importance, entouré de toges pérorantes, que flanquaient, cherchant à happer, les becs de harengs jaunes et salés de trois ou quatre journalistes. Chevalier, sans s’interrompre, lui fit un signe protecteur de la main ; et quand sa période fut finie, il l’entraîna à grands pas, l’oreille distraite, l’air affairé :

— « Et alors, mon bon ? Qu’est-ce que tu as à me raconter ? »

Mais aux premiers mots, il dit :

— « Pardon ! »
et s’en alla serrer la main d’un maître qui passait. Marc attendait. Chevalier n’était pas pressé de revenir. Marc attendait. Chevalier comprit que l’animal attendrait jusqu’à la nuit. Il revint et arrêta Marc, qui voulait reprendre sa requête. Il fit un grand geste pathétique, qui voulait dire : — « Quel malheur ! » — qui disait aussi bien : — « Quel rasoir ! »

— « Oui, oui, fit-il, c’est navrant !… Mais qu’y pouvons-nous ?… La parole, maintenant, est à la loi. »

Il hocha le menton, solennellement, sourit à droite, sourit à gauche, puis bredouilla :

— « Je suis pressé… Pardon… Et autrement, cette santé ?… Je te ferai signe, un de ces matins, pour déjeuner… Adieu, mon bon ! »

Et s’évada.

Marc resta figé. Rien à répondre. Chaque animal reste fidèle à sa nature. Le chien est chien. Le chat est chat. Le loup est loup. Moi, je suis loup, que fais-je ici ?…

Il rentra… Mais il ne pouvait s’enfermer seul, avec ce poids sur l’estomac. Si las qu’il fût, il cherchait des prétextes pour retarder le moment de remonter