comme moi n’en a aucune. À construire, quoi ? Un arc de triomphe, pour passer dessous, comme ce nabot de Napoléon ? Tout ce qu’on bâtit, c’est des tombeaux. Je n’ai pas besoin de tombeaux pour m’y claquemurer. J’ai besoin d’espace, pour me mouvoir tant que je suis en vie. Je vais à droite, je vais à gauche, dans la forêt, et je détruis ce qui me gêne. Baisse le cou ! Gare à ta tête ! »
— « Même si tu n’es fait que pour détruire, au moins Timon, sache détruire ! Pas au hasard ! Fais la trouée ! Va jusqu’au bout ! Tu restes là, à piétiner. Décide-toi ! Passe devant ! »
— « Où est le devant ? »
— « Tu le sais mieux que moi. Ne fais pas celui qui ne comprend pas ! Tu vois très bien qu’un grand duel est engagé. Pour qui es-tu ? »
— « Pour moi. »
— « Ce n’est pas grand chose ! Au moins, ce moi. Timon, sois-le tout entier ! Qu’il soit non, ou qu’il soit oui, rien à moitié ! »
— « Le jeu est le jeu. Selon la chance, la couleur change. »
— « Je joue la mienne. Je la jouerais, si j’étais, comme toi, à la table de jeu. »
— « Oui, je te vois devant le tapis de Monaco, narines serrées. Tu y jouerais jusqu’à ta chemise. »
— « Je ne joue jamais. Car je me connais. Ce n’est pas ma chemise que je jouerais. Ce serait ma vie. »
— « Ce l’est, ma petite. Tu ne t’en doutes pas. Auprès de moi, tu joues ta vie, ou tu la joueras. On te surveille. »
— « J’ai joué ma vie plus d’une fois. Bah ! Je suis sûre toujours de gagner… »
— « Comme tous les joueurs ! »
— « N’es-tu pas joueur ? Tu viens de le dire. »