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Et par là même, il rassurait un peu Annette. (Entendons-nous ! elle n’en veillait que mieux…) Mais elle y trouvait, si faible qu’il fût, un motif d’indulgence et d’espoir. Aussi longtemps qu’un homme reste libre et vrai dans le fond de son esprit, — quand il serait perdu de crimes, — tout n’est pas perdu encore. Car, si livré qu’il soit dans ses actes au plus honteux intérêt, dans sa caverne il garde encore le désintéressement. Et ce désintéressement secret, lointain, essentiel, qui finit parfois par se fondre avec le total désintérêt de tout, était l’invisible pierre de touche, à laquelle l’un et l’autre s’étaient, sans autres explications, du premier coup, éprouvés et acceptés. Ils pouvaient tout voir et tout entendre, de soi, comme du reste, sans broncher. Ils ne s’arrogeaient point, dans leur for, un traitement privilégié. Ils n’avaient pas hypocritement, comme la vermine, deux mesures, l’une pour soi, l’autre pour les autres. Ils évaluaient, exactement, à l’échelle, tout le paysage, eux y compris. L’œil était premier de tout. Car c’est par l’œil, dit-on, que pourrit d’abord le poisson. Sain était l’œil de Timon. Sain, l’œil de Annette.

Le patron ne s’y trompa point. Il n’eut rien de caché pour ces oreilles, dont la conque recueillait, impassible, tous les frémissements de la mer. Il y jetait tout ce qui le chargeait, de ce qu’il voyait et