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— « C’est la paix. C’est ma paix. C’est ma part du butin. »

Comme il était plus instruit, il se disait de plus gros mensonges :

« Mon baiser au monde entier !… »

Mais il n’eût pas fait bon que le monde le lui refusât ! … Il se heurta à un autre coq de grande taille, qui lui arracha du bec le bec qu’il pillait. Il n’y tenait pas, avant ; il s’y acharna, après. Un coup sous le menton le rejeta, étourdi, dans les vagues humaines qui s’ouvrirent sous le choc et le séparèrent de l’homme dont il gardait aux dents le goût du poing. En vain, s’enragea-t-il à le rejoindre…

La haine qui le brûlait chercha une revanche. Il lui en fallait une, sur-le-champ, ou qu’il crève ! Le hasard lui offrit, à l’instant, la plus lâche. Il l’agrippa, sans hésiter.

À quelques pas de lui, une jeune fille se débattait. D’un coup d’œil, il reconnut une petite bourgeoise provinciale, qui avait dû, au sortir de son hôtel, s’égarer dans les rues, tomber dans le torrent, et y était noyée. Elle avait une figure ronde, naïve, effarée ; elle tâchait de s’évader du flot, par une rue de côté ; et le flot s’amusait d’elle. Contre les sales audaces elle restait sans défense, et ses yeux stupéfiés appelaient au secours. Marc fonça sur elle, comme un petit épervier. Le sillage qu’il creusa dans la foule, en s’abattant sur le gibier, débloqua la perdrix ; par la rue transversale, étroite, obscure, qui montait, elle fuit. Il se lança à sa suite, et l’empoigna aux hanches. Il sentit sous ses serres le tendre corps palpitant ; entre ses quatre membres il lui broya le dos contre son ventre. Elle était prête à tomber, ses genoux fléchissaient ; le cou peureusement rentré dans les épaules, elle ployait la tête, à demi-morte d’effroi. À la lueur d’un rez-de-chaussée, Marc vit le cou blanc et frêle, et il le mordit. La victime gémit, en se cou-