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Elle avait bien failli s’y embourber !

Elle s’était laissée emporter de Paris, emballée comme un colis capitonné. C’était un soulagement de n’avoir plus, pour un temps, à s’occuper de rien… Pour un temps… Cela ne dura guère. Annette n’était pas habituée à ne rien faire, avec ses mains. L’impression la plus nette qu’elle garda du voyage de luxe, en flânant, par l’Italie du Nord et le Veneto — (sleepings, palaces, autos, etc.) — fut qu’elle traversa ces beaux pays, qu’elle connaissait et aimait depuis l’enfance, — avec froideur et ennui. Elle s’en étonna, d’abord ; puis, elle comprit : ce luxe l’isolait ; elle avait perdu contact avec la terre ; elle ne le retrouvait qu’aux rares instants où elle pouvait s’évader seule et courir sur ses pieds, dans les ruelles ou les champs. Ses orteils, quelquefois, en frémissaient, quand elle foulait ces épais tapis d’hôtel, dont la banale toison s’acharne à enjuponner le bois et la pierre. Ses pieds brûlaient de baiser, nus, la peau de la terre. Mais son escorte lui laissait peu de répit. Le babillage écervelant des trois petites perruches lui remplissait la tête, jour et nuit.

À Bucarest, ce fut d’abord un tohu-bohu et un vacarme assourdissant de grosse volière — de Jardin des Plantes — une innombrable famille, parents, amis : toute la « gens », qui se retrouvait. Ils en avaient