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pressa contre sa bouche l’éponge mouillée pour lui envoyer un baiser…

— « Ah ! Je suis idiote, autant que toi… »

— « Pourquoi ? »

— « … te regarde pas !… »

Il n’avait pas envie de protester, ni de bouger. Cette bonne nuit, ce bon réveil, ce bien-être… Il était encore tout engourdi… Pourtant, non ! C’était honteux… Il se redressa comme un jonc…

— « Je me lève… »

— « Non, non, attends encore ! Fiche le nez dans ton matelas ! Je sors. Défense de regarder… »

Bien entendu, il regarda, il vit la nymphe, du haut en bas. Elle lui jeta, du fond de la pièce, tout ce qui lui tomba sous la main : coussins, serviettes, et la culotte, qui avait séché pendant la nuit, il était enfoui sous la pile.

— « Plonge et étouffe !… »

Avant qu’il se fût dégagé, en un tour de main, elle s’était nippée. Elle lui rendit l’air et le jour.

— « Et maintenant, fais ta toilette ! Moi, je m’en vas aux provisions. »

Il resta seul et se vêtit. Elle revint avec le lait, le pain et quelques tranches de jambon. Pendant qu’ils déjeunaient, tête à tête, ils causèrent. Ruche regardait de ses yeux de Chinoise, où la distance s’était recreusée, la jeune tête qui, dans la nuit, contre ses jambes s’était frottée… le petit idiot !… Ils échangèrent un sourire d’intelligence. Sans se l’avouer, ils en étaient venus, chacun de son côté, à la même conclusion :

— « On ne pouvait pas renouveler une pareille nuit… »

— « Voilà, dit Ruche. Tu n’as point peur de faire n’importe quel métier ?… »

— « Ils sont tous sots, dit Marc, mais nous le sommes aussi, nous n’avons pas le droit d’être difficiles. »