Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 5.djvu/112

Cette page n’a pas encore été corrigée

tigable, déroule et enroule sans fin ses anneaux, il aperçoit la bouche saignante, et il entend le rire de gorge de la diablesse de Jordaens. Il s’évade dans la nuit, frissonnant, glace et feu, et son esprit qui se flagelle se fait saigner, sans arriver ni à savoir, ni à regretter. Haine et mépris, oui, quoi qu’il en soit ! À feu, à sang. Mais non regrets. Mais oubli, non. Il est hanté… Pour se châtier, il se replonge dans son taudis d’étudiant, dans son désert. Il ne revient plus. Sylvie est incapable de comprendre la tourmente qui se déchaîne dans le corps de l’adolescent. Du tourbillon de la nuit, il ne lui reste, le lendemain, la moindre gêne. Elle revoit nettement, dans les yeux du jeune garçon, cette fureur subite qui a flambé, cette bourrasque de jalousie qui lui a fait craquer les os et imprimé cette morsure aux lèvres… Un point, c’est tout… Et c’est à la fois flatteur et bouffon… Sylvie est indemne de tous les troubles que son sillage laisse à sa suite, grâce à l’aplomb de sa nature amorale sans vice profond, indifférente aux conventions, justes ou injustes, esprit des Gaules, l’œil d’ironie toujours éveillé sur le burlesque des situations. Elle avait vu jadis la vieille Sarah dans Phèdre, et elle se rappelait Hippolyte… Ah ! le serin !… Son Hippolyte, honteux, a détalé… Elle en pouffe… Quelle importance ? Dieu, qu’on est bête à vingt ans !… Et ce sont toujours les esprits chevaucheurs des étoiles qui se font un monde de ces riens ! Quand on couche avec l’éternel, devrait-on se soucier d’une feuille de rose dans ses draps !… Elle se cligne de l’œil dans le miroir. La rose est mûre… Elle rit d’elle et de lui, impartialement. La petite carogne rit aussi de sa chère sœur Annette : qu’est-ce qu’elle dirait si elle savait !… Il n’y a aucun risque qu’elle le sache. Hippolyte courrait plutôt, « sorti des portes de Trézène », s’engloutir dans les flancs du monstre… « Va, mon Jonas !… » Elle le laisse courir. Il reviendra…