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ses entretenus de l’écritoire se chargeraient de le lui fabriquer.

La reine, elle, régnait sur la couture et sur les fêtes, dont la folle extravagance défrayait la chronique de Paris. Elle n’était pas fâchée de s’y adjoindre son neveu dans le rôle d’un sien ministre des délassements et plaisirs, ou, plus simplement, d’un informateur des beaux-arts — les arts mineurs, dans leurs rapports avec l’Art majeur du Divertissement. Car aux beaux-arts, elle ne connaissait pas grand’chose, elle n’avait que son goût naturel et son instinct. Ce n’était pas peu : c’était assez pour commettre, çà et là, des gaffes cocasses, qu’au reste l’engouement du jour prenait pour de spirituelles espiègleries. Mais l’engouement du jour est le débinage du lendemain. Sylvie ne s’y trompait pas, elle sentait le terrain chancelant sous ses pieds. Elle était bien aise de s’appuyer sur Marc. Il vint, méfiant, alléché. Et, comme c’était à prévoir, dans ce furieux carnaval de plaisir et d’esprit dévergondé, où se mêlaient l’art, l’amour, l’intrigue et la folie, il perdit pied dès les premiers pas. Il avait prétendu s’assigner l’impossible règle, à son âge, de spectateur impassible, qui veut tout voir sans être pris, afin de se rendre maître de la vie : un Julien Sorel, émacié par le long jeûne, à qui deux doigts de vin font tourner la tête. Aux premières gouttes, le cerveau se mit à danser.

Sylvie s’y attendait. Elle ne fit rien pour le trahir, mais rien non plus pour le défendre. Elle suivait du coin de l’œil ses combats ; elle s’en amusait, ils lui plaisaient, elle reconnaissait en lui sa fière Annette ; et secrètement, elle prenait sa revanche de la mère sur le fils… « La tour, prends garde !… » Brave petite tour ! Elle se hérisse dans son armure. Sylvie l’applaudit, goguenarde. Elle est sceptique. Elle attend la fin. Elle sait trop bien que cette armure craque, que tous ces murs, un jour, d’un coup, seront emportés. Et elle pense : — « Qu’y peut-on ? Qu’on le veuille ou non,