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Elle l’emmena dans son hôtel de l’avenue d’Antin — son petit Louvre, où trônait le roi Coquille. Les reines en France, en dépit de la loi Salique, ont tenu le sceptre plus d’une fois. Elle le tenait, et laissait la quenouille à son Coquille, qui s’endormait sur son renom musqué, parmi sa cour. Il se croyait l’inspirateur de son époque. Il était entouré de femmes, d’intrigants et d’artistes, qui le flagornaient, se moquaient de lui, touchaient son argent, et qu’il prétendait avoir approvisionnés d’idées, de flair, et de beauté. Car il se mêlait, comiquement, de tous les arts. Il conseillait les peintres, qui lui refilaient leurs toiles zébrées et leurs problèmes géométriques. On le voyait tomber en contemplation devant des idoles nègres, dans son jardin. Il découvrait les beautés vertes et entamées, les talents blets et les fruits-secs, les danseurs hindous, les inspirés de Ménilmontant ou les swamis de Montauban. Il était onctueux comme ses crèmes et familier avec servilité, envers une clientèle de grandes dames, qui ne payaient pas, et deux ou trois têtes couronnées — découronnées — qui, entre le chef et le couvre-chef ayant le choix, avaient préféré perdre le chapeau. Il avait aussi son mot à dire en politique, et il méditait, encouragé par les flatteurs qui lui trayaient le pis, l’acquisition d’un grand journal, où il pût faire entendre au monde le mot (quel mot ?). Il eût été bien embarrassé pour l’écrire, et même pour savoir quel il était. Mais