Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 5.djvu/101

Cette page n’a pas encore été corrigée

— « Et toi, qu’est-ce que tu risques ? » lui demande rudement Marc.

Véron lui rit au nez et, fanfaron de cynisme :

— « Ta peau. Quand tu voudras ! »

Mais il sent qu’il a été trop loin, et il ajoute, bonhomme :

— « Après tout, c’est un service que les Sorbonagres lui ont rendu, en le recrachant. Qui veut faire sa fortune et n’a pas froid aux yeux, il n’a qu’à se baisser pour ramasser. »

— « Il faut avoir le dos fait pour cela », réplique Marc, sèchement.

— « S’il n’est pas fait, la trique de la vie le fera », dit Véron.

Ils se le tournent… Adieu !

On n’a pas revu Adolphe Chevalier. Mais pour celui-là, il n’y a point lieu de se faire du tracas. Il est allé visiter ses propriétés. Il lit Montaigne. Que peut-on lui demander de plus ? Yeux ouverts. Bouche close. L’esprit libre et sans risques. Et le derrière bien au tiède… On n’accusera pas ce clerc d’avoir trahi ! À d’autres, de compromettre avec l’action l’esprit !

La ménagerie de Ruche s’est dépeuplée. Quand y retourne Marc, il se trouve seul en tête à tête avec elle ; et il ne sait que lui dire. Les coudes sur la table, le menton sur les paumes, elle le vrille du regard, avec un étrange sourire ; on dirait qu’elle attend… Quoi ? Il est irrité. Mais plus il se fait brusque, plus le sourire s’aiguise ; il n’arrive pas à détendre les dures petites prunelles qui fouillent dans son champ. Elle le déconcerte. Il y a quelque chose en elle de changé, ou qui change. Mais elle ne l’intéresse pas assez pour qu’il s’attarde à la comprendre. Et il lui est déplaisant qu’elle se permette de le comprendre… Car il a beau se dire : — « Elle ne peut rien savoir de moi. Ma porte lui est fermée », — il n’est pas du tout sûr qu’elle ne regarde point par le trou de la serrure. Alors, il s’in-