où respirer. Même ses parents, très bons, étaient toujours tendus vers des pensées de vengeance — (elle se reprit) — non ! de châtiment sans pitié. La mort des malheureux fils les avait exaspérés. Le seul mot de paix les mettait en fureur. La plus violente était sa sœur Justine, dont elle partageait, depuis l’enfance, la chambre et les confidences. Chaque soir, avant de s’endormir, elle priait tout haut : — « Mon Dieu, Vierge Marie, St-Michel, exterminez-les !… » C’était affolant. Il fallait qu’elle parût s’associer à ces prières ; sinon, ils l’accusaient d’indifférence aux malheurs du pays, à la mort des deux frères…
— Indifférente, je ne le suis pas !… Ah ! C’est justement parce qu’on est malheureux, il me semble, qu’on devrait vouloir que les autres ne le soient pas…
Elle exprimait des idées gauches et touchantes. Annette, pour qui elles n’étaient pas neuves, les approuvait, et elle les exprimait mieux. Ursule était heureuse de l’entendre ; elle se taisait, écoutait. Enfin, elle demanda, confiante :
— Madame, vous êtes chrétienne ?
— Non.
Ursule fut atterrée.