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Il y a si longtemps qu’on vit, les uns à côté des autres, sans s’être dit un mot ! Et je ne resterai plus longtemps. Je m’en vais repartir. Laissez-moi, une fois, tranquillement, vous regarder ! Voyons, montrez vos yeux ! Je vous montre les miens. Ils n’ont rien qui puisse vous effrayer.

Ursule, confuse et touchée, se rassurant peu à peu, commença de s’excuser, d’une langue maladroite, pour sa timidité et son impolitesse ; elle dit qu’elle n’avait jamais oublié les bonnes paroles d’Annette, au moment de leur deuil, l’an passé ; elle en avait été émue, elle voulait lui écrire ; mais elle n’avait pas osé. Autour d’elle, on n’aimait pas à ce qu’on se liât avec des étrangers.

Annette disait, bienveillante :

— Sans doute… sans doute… je comprends…

Ursule, s’enhardissant, de degré en degré, balbutia, se reprit, et, faisant un effort, elle dit combien elle avait souffert, depuis quatre ans, de cette guerre, de ces haines, et de ces méchancetés. Et, sans connaître Annette, il lui semblait qu’elle devait les désapprouver aussi…

(Annette lui prit la main, doucement, sans parler.)

…Mais elle ne trouvait autour d’elle nulle place