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avec une jubilation discrète de chien aux yeux brillants qui louchent vers le morceau de sucre ; mais rien n’avait pu lui faire nommer quelqu’un de ses complices, ni fournir quelque précision sur les délits imputés. Par goût ou par finesse naïve et madrée, il dérivait toujours du récit dans la dissertation. Il paraissait n’attacher aucune importance aux faits, et beaucoup aux idées.

Le juge montra à Franck des lettres que Pitan avait, de sa prison, adressées à un jeune ami, et celles du jeune ami : il avait nom Marc Rivière. Et Franck eut un moment d’émotion : ce petit imbécile aurait-il, de lui-même, livré la mèche ? Avec ces Rivière, on pouvait s’attendre à tout !… Mais il se rassura, en entendant le juge qui, d’une voix mélodieuse, lui lisait des morceaux de ces épîtres, écrites en beau lyrisme, qui faisait, tour à tour, songer au jeune Schiller, à Flaubert, à Jean-Jacques, à Rimbaud. Pitan, lui, mêlait Bernardin de Saint-Pierre à Edgar Quinet. Le jeune exprimait au vieux une affection exaltée, une indignation des abus de la force, et le désir ardent de partager, quel qu’il fût, le sort réservé au juste. Le vieux, paternellement, s’efforçait de le calmer,