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ranger, se fatiguer. Elle vit le moment où elle devrait le quitter, sans qu’il lui dît adieu. Mais, aux dernières minutes, quand elle entra chez lui, en costume de voyage — (il était assis, morne, dans un coin) — elle se pencha, et voulut le baiser au front, il releva la tête si brusquement qu’il heurta la bouche d’Annette, et la lèvre saigna. Elle ne sentit la blessure qu’assez longtemps après. Lui, naturellement, n’avait rien vu, il lui baisait les mains, et plaintivement répétait :

Aennchen ! Aennchen !… Vite ! Reviens !…

Elle lui caressait la tête, en promettant :

— Oui… Oui, je reviendrai…

Enfin, il se leva, il prit ses paquets, et il l’accompagna. Annette parlait seule. De la maison à la gare, pour occuper sa pensée, elle lui fit des recommandations domestiques. Il n’écoutait que sa voix. Après l’avoir aidée à monter dans le wagon, il y monta aussi, et s’assit auprès d’elle. Il ne parlait toujours pas, et restait sans la regarder. Elle craignit qu’il ne se laissât surprendre par le départ du train et qu’il ne la suivît. Mais cinq minutes avant, il se leva brusquement et, sans un mot d’adieu, de peur de ne pouvoir maîtriser son émotion, il s’en alla. Penchée à la portière,