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de la maison, dix fois dans la journée, pour lui acheter des oranges, un journal, un objet dont il avait parlé, ou pour porter à la gare une lettre pressée. Elle était bien payée, quand, rentrant au logis après une courte absence, elle le voyait, impatient, qui lui reprochait de s’être trop attardée, ou quand, sur le balcon, le soir, au crépuscule, triste et dolent, il venait s’asseoir à côté d’elle, tout près, comme s’il avait besoin de se réchauffer contre ses jambes ; et brusquement, il pleurait… Annette, jetant son ouvrage, attirait la tête du grand enfant sur son épaule… et après qu’il avait bien pleuré — (bonheur ! cet homme qui ne rougissait pas de vous laisser essuyer ses pleurs !) — il se mettait à parler. Il déchargeait son cœur de ses souffrances secrètes, depuis celles de l’enfance refoulées, qu’il n’avait jamais osé livrer complètes, même à Germain, jusqu’au deuil qui, nuit et jour, continuait de saigner : car maintenant, il se reprochait, dans la dernière maladie, d’avoir fui l’ami, de ne l’avoir pas assez aimé, et de le lui avoir montré… Elle l’écoutait si bien ! Il se sentait soulagé, par le seul contact de cette joue de femme contre sa tête, par cette voix consolante qui, sans l’interrompre, mêlait à sa plainte