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de son cœur, et cache, comme un déshonneur, sa nostalgie du lait de la tendresse, qu’elle suça, jadis, aux seins maternels !… Franz ne s’en cachait point. Il réclamait naïvement comme son dû, sa goulée. Tels ces nouveaux-nés aveugles, il tâtonnait des lèvres et des mains…

— Eh bien, bois, mon petit ! Bois-moi ! Je mets le bout de mon sein dans tes lèvres…

Et ce contempteur des femmes, à qui le lait maternel avait manqué — (il avait perdu sa mère, quand il était au berceau) — ne pensait pas à la femme dont il suçait le sein, il n’aimait pas la femme, il aimait seulement le sein. Il lui fallait calmer sa soif désespérée.

Annette ne l’ignorait point. Elle n’était pour lui rien de plus qu’une nourrice de sa peine, qui la berce et l’endort. Et elle n’avait pour lui rien de plus qu’un amour maternel, qu’accroissait chaque jour — et le besoin croissant que, chaque jour, il en avait. Mais l’amour maternel embrasse tous les amours. S’il ne les connaît pas tous par leur nom, il n’en est pas un seul que dans l’ombre il ne caresse.

Franz lui livrait tout. Il se livrait tout à elle. Avec une étrange impudeur, il trouvait naturel