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ramassa ses dernières forces pour leur tracer le chemin à suivre. Il dit :

— Annette, c’est bien que je m’en aille. J’appartenais à une race d’esprits, qui n’aura plus place dans l’ordre à venir. Une race dénuée des illusions de l’avenir, comme de celles du passé. J’ai tout compris, je n’ai cru à rien. Trop comprendre a tué en moi le goût d’agir. — Il faut agir ! Tenez bon ! Votre instinct du cœur est plus sûr que mon pour-et-contre. Il ne suffit pas encore. Vous avez vos limites. Vous êtes femme. Mais vous avez fait un homme. Vous avez un garçon. Il se heurte à vos limites, ainsi que, nouveau-né, il se heurtait aux parois de votre ventre, pour en jaillir. Il vous ensanglantera encore plus d’une fois. Chantez, comme Jeanne d’Albret, le cantique de sa délivrance. Chantez la brèche par où il sortira de vous ! En mon nom, dites-lui qu’il ne se contente pas de tout comprendre, comme moi, de tout aimer, comme vous… Qu’il préfère !… Il est beau d’être juste. Mais la vraie justice ne demeure pas assise devant sa balance, à regarder osciller les plateaux. Elle juge et exécute l’arrêt. Qu’il tranche !… Assez rêvé ! Vienne l’éveil !… Adieu, Songe !…