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de ceux que vous aimez, la jeunesse de Franz et son avenir. Moi, je n’ai rien. Et j’ai tout.

— Vous avez votre beau sang, qui vous réchauffe.

— Ah ! si je pouvais vous le donner !

Elle le dit, d’un tel élan que, par tout le corps, comme d’une coupe pleine jusqu’aux bords, il lui affleura, ce sang que le mourant lui enviait ! Dieu ! qu’elle eût voulu le lui verser !…

Il fut ému. Il voulut parler. Il fut pris d’un étouffement. Il faillit passer. Elle resta près de lui, toute la nuit, lui tenant la tête sur l’oreiller. Sa présence lui rendait la force d’âme pour supporter. Parce qu’il n’avait rien à lui cacher, il n’avait rien non plus à lui apprendre. Inutile de lui montrer sa souffrance : elle la sentait sous ses doigts. Dans un répit, sa bouche se crispa dans un sourire, il dit :

— C’est dur, tout de même, de mourir.

Elle lui essuya la sueur du front :

— Oui, mon petit. Heureusement, je mourrai aussi. On ne se pardonnerait pas, si l’on devait vivre, quand les autres meurent.

Il la renvoya, au matin. Pendant ces heures où il ne pouvait parler, il avait eu le temps de songer à elle, à sa bonté, au don de soi sans comp-