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— N’est-ce pas ? Il est bien mieux, aujourd’hui…

Il n’attendait pas de réponse. Il marchait à grands pas, aspirant l’air sans souillure, sans pourriture, l’air pur, à pleins poumons, poitrine bombée et cheveux au vent. Les bonnes jambes d’Annette jouissaient aussi, malgré elle, de cette course, de la revanche de la bête vivante contre l’oppression du corps assoupi dans l’atmosphère de maladie, au chevet de douleur. Mais Franz la distançait presque toujours, d’une enjambée, il était pris d’une frénésie puérile, il courait, il grimpait la rampe raide, en s’accrochant aux touffes neigeuses des sapins. Ou bien, tous deux nouaient leurs skys ; ailes aux pieds, ils prenaient leur vol sur les champs blancs. Quand ils étaient repus d’air, presque soûlés, et que le flot de sang avait balayé jusqu’aux dernières ombres des pensées, ils s’asseyaient sur un rocher qui surplombait, au soleil, et ils contemplaient la vallée. Franz riait, en lui nommant les notes et les accords qui composaient l’harmonie, la queue de paon du ciel qui s’éployait au couchant. Tout en parlant, il dessinait ; il dessinait à grands traits, couvrant une page, puis l’autre, des lignes et des plans, des