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Mais de cette arrière-boutique, inconnue aux passants, se dégageait pour elle un mystérieux arôme, un bourdonnement d’abeille, qu’elle seule percevait, tandis qu’elle allait et venait, en rangeant le magasin. Qu’un autre entendît ce ronflement d’ailes, fascinant, menaçant, établissait entre eux comme une complicité. C’était entre ces deux étrangers un lien lointain de parenté. (En question de races, les liens lointains comptent peut-être plus que les liens proches : les ramilles touchent moins au tronc que la tige.)

Par là, elle avait prise sur lui, et ils communiquaient. Sans mots. Avec leurs antennes d’insectes aveugles dans le clair-obscur. Toute une famille d’êtres ont cette vie souterraine. Mais la vie au grand jour atrophie leurs facultés. Quand l’occasion se retrouve pour eux d’en faire usage, ils en éprouvent un bien-être, qu’ils ne veulent pas s’expliquer. Et ils sont reconnaissants à ceux qui leur permettent de les exercer.

Tout en conversant de mille choses au grand jour, sur lesquelles il était rare qu’ils ne se comprissent point de travers, Annette et Franz écoutaient le bruissement d’eau dans la vallée. Et, tout au fond de leur esprit, ils se touchaient.