qu’on a perdu n’est plus. Et l’on est. On ne peut pas à la fois être et n’être plus. Le choix est vite fait. Le vivant laisse le lien du mort, qui le gêne, se détendre. Et si le lien s’obstine, il y donne un coup de canif, innocent, de côté. Il n’a rien vu. Le mort est tombé. Il pourra vivre. Franz vivra. Annette posa sa main sur celle du désenchanté :
— Où vivra Franz, vivra votre pensée.
Il dégagea sa main :
— L’oubli viendra. Quand l’oubli tarde, on va au devant. Mais Franz est sans malice. Il n’aura pas la peine de se déranger.
Annette voulut protester. Germain dit :
— Je le sais.
Mais Annette vit bien qu’il le savait, et qu’il ne le croyait point. Et elle n’eut pas de peine à lui démontrer le contraire. Quoiqu’il accueillît avec un sourire d’ironie les arguments de cette femme, il avait plaisir à les entendre. Sa lucidité était en conflit avec le besoin qu’a tout être de se faire illusion. Céder à ce besoin était (il le savait) une défaite. Mais il était bien aise d’être vaincu. Après tout, pourquoi serait-elle plus vraie que l’espoir, la vérité qui tue ?
Il concédait à Annette :