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nie, le deuil et la douleur des vies détruites, avec l’exultation aveugle de la fourmilière. Ils sont tous, avec elle, livrés aux rets de l’Illusion. Ils s’y engouffrent, tête baissée, fonçant sur la cape rouge du matador. Pour les uns, c’est le drapeau, la fureur sacrée de la patrie. Pour les autres, le météore la foi en la fraternité des hommes et en l’amour… Et son fils, qui prétend n’être dupe de rien, le mépriseur des « illusions de mots », n’est-il pas de tous le plus illusionné, lui qui est prêt à sacrifier elle et soi à la chimère d’être vrai contre tous ? Cette passion de Vérité, quelle plus grande illusion !… Et tous s’enivrent de leurs fumées. Ils rêvent !…

Alors, elle perçut, comme une bouffée brusque de vapeurs irisées, le Rêve universel, où elle est immergée. Elle soulève, un instant, la tête au-dessus de l’eau. Elle secoue l’emprise insidieuse et violente… Va-t-elle se réveiller ?… Une seconde, le réveil bat des ailes dans le songe. Dans les combles de l’esprit, par la fente qui s’entr’ouvre, une raie de lumière se glisse.

Mais contre sa joue elle sent la chaleur de la joue, — la chair, fruit de sa chair, — le fils qui la