— Sait-on jamais les ruses de la pensée ? Ne me suis-je pas menti, bien des fois ?
— Si tu l’as fait, c’est que nul homme ne peut vivre tout à fait sans mensonge.
— Si le mensonge disparaissait tout à fait de la vie, la vie ne disparaîtrait-elle pas ? N’est-ce pas lui qui entretient la grande Illusion ?
— Si elle ne peut se passer de lui, si elle est la grande Illusion, c’est qu’elle n’est pas la vraie Vie. La vraie Vie est au delà. Il faut la retrouver.
— Où est-elle ?
— En moi. En toi. Dans ce besoin de vérité. Comment nous posséderait-il, si elle ne soufflait en nous ?
Annette était pénétrée par la voix de son fils. Mais elle se raidissait. Il y allait de sa vie, à lui !
— Je t’en supplie ! Je t’en supplie ! Ne t’expose pas en vain ! À quoi bon ? Tu sais bien qu’on ne change pas les hommes ! Quoi qu’on fasse pour eux, ils resteront les mêmes : les mêmes passions, les mêmes préjugés, le même aveuglement, qu’ils appellent raison ou foi, et qui n’est jamais qu’un mur — leur coquille de limaçon : — c’est ce qu’il leur faut pour vivre. Ils n’en sortiront pas. Tu ne peux pas la briser. C’est toi qui seras brisé. Garde