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ce « Dernier Viking », du pêcheur norvégien, dont nous lisions la moderne saga ? Quand à la fin sauvé de la mort, il déserte les tempêtes des Lofoden, pour l’immobilité de l’air des villes, il ne peut plus être heureux… Va ! J’aime mieux être de ma génération que de la tienne. La tienne rêvait sans force d’un froid progrès humain. Sur cette toile de fond, le présent projeté était gris, uniforme. La classe privilégiée en jouissait pauvrement, du bout des dents. Pâles joies, pâles souffrances, ironie et douceur monotones… ennui, ennui. Pour ceux qui peinaient, dessous, — pour nous — c’était l’éternelle roue à tourner dans la nuit… — Aujourd’hui, l’ouragan souffle, la maison est en ruines ; le jour, avec le vent, est entré dans notre cave. D’une minute à l’autre, l’édifice suspendu peut s’écrouler sur nous : nous le savons ; mais par les fentes, on voit le ciel, les nuées chassées, le vent. Et sans illusion sur la vie et les hommes et la minute qui vient, nous vivons, au bord de l’abîme absurde et magnifique, à toute volée. Qu’il dure ou tombe, nous élevons sur nos épaules notre univers d’un jour.

— « Nous ? » Qui les a vus, ces « Nous ? » Où sont-ils ? Qui sont-ils ?