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On n’échappe aux unes que pour tomber sous d’autres. Peut-être qu’il faut des chaînes…

— Tu parles contre toi. Jusqu’à ton dernier jour, je te vois limant tes chaînes.

— Mais si j’ai tort ? Si l’instinct borné risque, en les ébranlant, de faire plus de mal à soi et aux autres hommes ? S’il fallait acheter l’ordre par les renoncements ?

— Maman, n’essaie pas de reprendre pour ton compte le mot du génial égoïste, qui aimait mieux l’ordre de l’univers que le bien du prochain, et la tranquillité de sa contemplation que l’action dangereuse contre le mal présent ! Ce qui est permis à Gœthe ne nous l’est pas, à nous. L’ordre éternel ne nous suffit pas. Nous respirons dans celui d’ici-bas. Et quand il est vicié par l’injustice, le devoir est de briser le vitrage, pour respirer.

— On s’y ouvre les veines.

— Si je tombe sur la brèche, eh bien ! j’ai fait la brèche. D’autres en respireront mieux.

— Mon petit, tu ne crois pas en l’humanité (tu me l’as dit cent fois !)… Pourquoi parles-tu maintenant de te sacrifier pour elle ? N’as-tu pas souvent raillé ma foi en elle, — ma pauvre