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pour écarter l’obstacle. Alors, Annette s’effaça, et, se retournant vers la porte entr’ouverte, elle laissa paraître ce que ses yeux cherchaient. Franz entrait, chancelant ; il s’arrêta, il vit, il courut… Les amis étaient réunis…

Depuis des mois, ils s’étaient vingt fois représenté, mimé, cet instant où ils se rejoindraient… Et rien ne fut, comme en pensée ils l’avaient vu…

Ils ne se prirent pas les mains. Ils ne s’embrassèrent pas. Ils ne se dirent aucun des mots qui, l’instant d’avant, débordaient… Au premier regard échangé, Franz, arrêté dans son élan, s’écroula, au pied de la chaise-longue, la face cachée dans les couvertures. Il était figé d’effroi, en revoyant l’ami qu’il avait laissé en pleine vie, et il ne le retrouvait plus. Et Germain qui perçut cet éclair d’épouvante, se vit, à sa lueur. Et la mort s’ouvrit entre eux, les sépara…

Blême et raidi, il sentait contre ses jambes la tête de l’ami ; il la caressait, pour le défendre contre la terreur inavouée. Mais cette terreur l’avait gagné. Ils savaient l’un et l’autre qu’ils n’étaient déjà plus sur la même rive ; ils n’appartenaient plus au même temps. La faible distance