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l’esprit fiévreux, avec ses mains de bonne accoucheuse Un soir, au crépuscule — l’heure des confidences, quand on ne se voit plus qu’à peine — elle était près de lui, derrière lui, elle lui dit :

— Ton cœur est lourd. Donne-le moi à porter.

Il dit, baissant, la tête :

— Je veux, et je ne peux.

Elle l’attira vers elle, elle lui couvrit les yeux avec ses doigts, et elle lui dit :

— Tu es seul avec toi.

Il se mit à raconter, avec peine, à mi-voix. Il dit ses expériences des dernières années, le bon et le mauvais. Il avait pris sur lui de parler fermement, comme s’il s’agissait d’un autre. Mais aux instants difficiles, la phrase s’interrompait, et il ne savait pas s’il aurait le courage de poursuivre. Elle se taisait. Elle sentait sous ses doigts les paupières brûlantes et la honte. La pression de ses doigts disait :

— Donne ! Je prends la honte.

Elle ne s’étonnait point de ce qu’elle entendait. Ce qu’il avouait, ce qu’il taisait, elle l’avait toujours su. C’était cela, le monde, — le monde où elle avait jeté son fils, — où elle avait été jetée