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sèrent des heures à se confier tout bas. Puis, d’une chambre à l’autre, quand ils se décidèrent enfin à se coucher. Mais, au milieu de la nuit, il se leva, il vint nu-pieds près du lit d’Annette ; il s’assit sur une chaise basse, à son chevet. Ils ne se parlaient plus. Ils avaient besoin seulement d’être l’un tout près de l’autre.

Dans le silence, l’âme tourmentée de la maison montait. Les deuils et les passions de la maison en feu… À l’étage au-dessous, la famille Bernardin, décapitée de ses fils, « de profundis clamat » vers l’éternel silence… Deux étages au-dessous M. Girerd se ronge, veuf de son fils unique, raidi dans l’idolâtrie patriotique, qui est son seul recours contre le désespoir… À l’étage au-dessus, dans le jeune ménage Chardonnet, le secret obsédant, honteux, inavoué, brûle comme un fer rouge, la chair et la pensée ; il a fait, pour toujours, de ceux qui se sont aimés, pour toujours liés ensemble, deux étrangers… Dans l’appartement même d’Annette, de l’autre côté du couloir, une chambre vide, dont la porte reste craintivement fermée, conserve encore le souffle embrasé de l’incestueuse qui s’est tuée… La maison est une torche qui fume, à moitié consumée. Et de ceux