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Il se cacha le visage dans les mains. Annette lui dit :

— Mon pauvre petit ! Vous me voyez mieux qu’avec vos yeux. Je n’ai pas eu besoin des miens pour vous connaître. Touchez mes mains ! Nos cœurs se touchent.

Il s’agrippa à son poignet, comme s’il avait peur de se perdre. Il dit :

— Parlez encore ! Parlez-moi ! Parlez !

Cette voix était, pour ses yeux morts, une silhouette sur le mur. Avidement, il la fixait, tandis qu’Annette déroulait l’image en raccourci des quarante ans d’espoir et de vouloir, de renoncements, de défaites, et de recommencements, — des quarante ans de réel et de rêve (tout est rêve), qui avaient marqué son visage.

— Oui, ils l’ont bien modelé, pensait-il. L’âme affleure…

Le plus beau de ses tableaux, il le voyait maintenant. Mais nul ne le verrait que lui.

Elle s’arrêta de parler. Ils ne dirent plus rien jusqu’à la fin de la nuit. Un peu avant d’arriver, elle retira sa main, qu’elle lui avait laissée, et dit :

— Je ne suis rien qu’un compagnon de ta misère.