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au milieu des prairies. Elle n’en savait pas même le nom. Elle y était descendue, la nuit, au hasard, et elle était entrée dans la première hôtellerie. Une de ces grandes auberges bernoises, dont le vaste toit surplombe, au-dessus des minuscules fenêtres, aux carreaux divisés, fleuries de géraniums. Derrière ce rideau rouge, à l’ombre du large auvent, l’âme agitée, lentement, s’apaisa et rentra dans son lit. Mais ce ne fut pas sans s’être brisée plus d’une fois contre ses rives. On a beau s’être dit :

— C’est assez ! Je jette les armes, et je ne me défends plus. Je suis vaincue. J’accepte… N’en as-tu pas assez ?…

Elle n’en a pas assez. La nature vous rappelle, par agressions soudaines, que le traité n’est valable que lorsqu’elle l’a signé. Annette, plus d’un jour, eut à reprendre le combat contre la triple douleur de l’absurde passion, de l’éternelle sujétion, de la jeunesse enfuie, — le feu illusoire, le bûcher dérisoire, et les cendres de la vie. Le matin la trouvait lasse, muette, effacée, après les emportements des nuits… Elle n’était pas la seule. Que de calmes figures, qui semblent, dans le jour, engourdies et lointaines, et sous le rideau des-